Presse / Textes | Arbre de vie - source de vie : espace de transmission | |
Après le grand événement de la naissance, les premiers jours de vie commune du nouveau-né et de ses parents se vivent à la maternité. Ces moments de joies, de questionnement et d’apprentissage sont partagés avec les professionnels et les autres jeunes parents dans des espaces communs tels que les pouponnières. L’artiste plasticienne Ilana Isehayek et la designer Édith Wildy avaient pour mission de repenser ces espaces pour la maternité de Hautepierre. Sensibles à la façon dont l’aménagement d’un lieu influe sur les déplacements, la position des corps dans l’espace et les gestes du quotidien, elles décident de concevoir une réorganisation globale des pouponnières, des salles d’allaitement et des salles à manger. Elles travaillent aussi bien sur la structure d’ensemble, que sur le mobilier - créée pour l’occasion - l’éclairage, la couleur et les oeuvres qui vont venir naturellement s’y inscrire.
À partir de leurs échanges avec l’équipe médicale et soignante, les deux artistes décident d’articuler leur projet autour de la notion de transmission, qu’elles déclinent à travers un ensemble de thèmes (l’eau, l’arbre, l’anneau) qui en signent l’identité artistique.
Aux deux niveaux de la maternité, au 4e et au 5e étage du bâtiment, les trois pièces préexistantes sont réorganisées par la suppression d’une cloison. Les salles à manger gardent leur format initial, tandis que les salles d’allaitement et les pouponnières sont réunies pour ne former plus qu’une seule grande pièce. L’ensemble du projet est désormais nommé : "Arbre de vie / Source de vie - Espace de transmission".
Le couloir des échanges Les cloisons jusque là aveugles, donnant sur le couloir, sont désormais entièrement vitrées et permettent à la lumière du jour de pénétrer dans le service et de fonctionner comme un signal. L’anneau et le cercle, qui relient visuellement le couloir à l’intérieur de la pouponnière, sont symboles d’engagement, d’alliance, de lien. Ils traduisent la notion de regroupement de la communauté autour de la naissance. L’échange et le dialogue sont également évoqués par des "sculptures" en creux qui animent le couloir à chaque étage. Elles invitent à se glisser seul, ou à deux, au coeur des murs afin d’expérimenter l’architecture de manière inédite et ludique. La question de la place du corps dans l’architecture est à prendre ici au sens littéral. Grâce à ces éléments forts, l’Espace de transmission ouvert à tous devient ainsi plus identifiable par rapport aux chambres et aux bureaux dont l’accès est par définition limité.
La pouponnière La pouponnière permet désormais de réunir toutes les activités qui ponctuent la journée : le bain, le change, l’allaitement, la consultation, les soins spécifiques et la surveillance des bébés confiés aux équipes. Les parents ont l’assurance de trouver sur place, nuit et jour, les conseils d’un professionnel, grâce au poste de travail aménagé dans l’élément central. De forme ovoïde, il rappelle un oeuf éclos. Il contient les baignoires et les tables à langer réalisées d’une pièce dans une résine synthétique, douce à l’oeil et au touché et qui offre une excellente hygiène. Donner un bain à son bébé ne se fait plus face à un mur mais en relation directe avec les professionnels et les autres parents. La convivialité du lieu engage les mères à rester sur place pour allaiter dans des sièges en forme de cocon qui permettent d’être à la fois protégées et en contact visuel avec l’intérieur de la pièce et l’extérieur par les grandes baies vitrées. Libre alors à chacun de se laisser aller à rêver en contemplant l’oeuvre qui vient animer tout un mur de la pouponnière. Au 4e étage, un réseau de cours d’eau, représenté tout en transparence et en opacité laiteuse, décline des noms de fleuves et de rivières du monde, familiers aux oreilles des uns et exotiques aux oreilles des autres. Au 5e étage, c’est un arbre dont les branches portent les diminutifs affectueux du vocabulaire familial, mémé, pépé, daddy, mum, écrits en plusieurs langues en échos aux différentes cultures des personnes accueillies dans le service.
Les salles à manger Les salles à manger conçues par Ilana Isehayek et Édith Wildy offrent une alternative rafraîchissante à l’espace restreint des chambres, à l’heure des repas, des visites ou des réunions d’information. Au 4e étage, en écho avec l’oeuvre présente dans la pouponnière, le thème de l’eau est suggéré par une vague en staff qui remplace le plafond traditionnel. Au mur, une photographie représentant une grande étendue d’eau calme donne une lumière bleutée à l’espace. Les tables semblent découler du mur. Tout est courbes, rondeurs, douces vagues qui amènent convivialité et sérénité. Au 5e étage, l’arbre est symbolisé par une image sur verre représentant des feuillages. Une pergola formée de lattes de bois laisse passer la lumière. Le mobilier semble faire partie du mur et accompagne le dispositif mur/plafond en créant une zone "à l’ombre des arbres" propice à la rêverie.
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Accompagner l'événement de la naissance, dans nos sociétés technologiques et complexes, implique une chance et un enjeu.
L’ensemble des usagers des services hospitaliers ont été longtemps des patients avec leurs symptômes. Aujourd’hui la médecine cherche davantage une approche globale de la personne humaine, ce qui est essentiel, notamment, à la fin et au commencement de la vie de chacun.
Considéré sur une longue durée, l’héritage culturel occidental n’a connu qu’une séparation relativement récente entre les trajectoires respectives des recherches artistiques et médicales, tributaires toutes deux de ce mélange de fragilité et de résistance qui fait notre condition. Ces dernières années, dans l'espace public, des oeuvres remarquables, en témoignent, parmi lesquelles "Rester-Résister" d'Emmanuel Saulnier à Vassieux-en-Vercors, le "Triptyque de Nantes" de Bill Viola, l'oeuvre d'Ettore Spaletti à l'hôpital Raymond Poincaré ou encore celle de Bruno Carbonnet à l’hôpital de "Fécamp" .
Choisissant ainsi de favoriser la présence de l'art contemporain, pour de nouveaux publics, en dehors de ses lieux de diffusion traditionnels, le ministère de la Culture et de la Communication a décidé d'accompagner le projet d'une intervention artistique dans la maternité de l'hôpital universitaire de Strasbourg.
Ce choix a requis une étude suivie et attentive, pour comprendre comment cette oeuvre pouvait accompagner la durée vécue, induite par la naissance. Cette dimension est essentielle dans l'espace dense et technique d'une unité de soin.
Le succès des expositions organisées sur place par le Fonds régional d'art contemporain d’Alsace a contribué à l'intégration du projet de commande à la vie de la communauté soignante et des personnes admises dans le service.
La médiation, assurée par le FRAC et le Musée d'art moderne et contemporain de Strasbourg, a insisté sur les modifications de cet espace de passage. Cet espace envisagé comme lieu de vie et de présence, ouvert à la diversité culturelle de sa fréquentation quotidienne.
La création de ce nouvel espace, par l'artiste Ilana Isehayek et l'architecte d'intérieur Édith Wildy, impliquait une compréhension très fine de l'enjeu symbolique du lieu et celui, pragmatique, de ses fonctionnalités. Depuis 2006, une concertation régulière a réuni l'équipe du professeur Nisand et la délégation culturelle du centre hospitalier portant ce projet.
Les artistes ont répondu en usant du symbole universel de "l'arbre de vie" , de la toponymie des grands fleuves du monde, du jeu des déclinaisons de formes ovoïdes et circulaires, du choix de figures exprimant la rencontre autour des gestes naturels ; les matériaux et les tonalités diffusant une ambiance apaisée...
D'un espace de "travail" à un lieu de vie, c'est bien une mutation qui est à l'oeuvre dans les sites aménagés, construits par Ilana Isehayek et Édith Wildy, à partir de la pensée, construits avec l’hôpital, ses équipes et les familles qu’ils accueillent.
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Arbre de vie - source de vie : espace de transmission Barbara Bay Extraits |
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