Archipel des Forges - Koening’s park


Strasbourg - 2019/2020
Dimensions variables / fil de fer

 

Rêverie
Dans des mers pas si lointaines, il y a des îles, des îlots au ras de l’eau, qui disparaissent... Le long de certains fleuves bien plus proches, il y a des îles, qui parfois par manque d’eau, jettent des ponts de sable et d’alluvions, se raccrochent au rivage et disparaissent.
C’est notre histoire, notre civilisation, qui s’écrivent dans ces bouleversements géographiques. Trop peu d’eau, l’île perd son principe qui ne vit que par ces forces liquides qui l’entourent. Trop d’eau, les îles plates sont submergées et s’évanouissent dans les océans.
Restent les îles plus hautes, plus résilientes à la montée des eaux. Celles sur lesquelles l’Homme a « encore » toujours prise, pour s’y bâtir un avenir !

Métaphore lointaine
La démarche artistique, pour ce projet architectural, se base sur cette métaphore de l’archipel fragile. L’archipel ! Celui qui ne sombre pas, celui qui résiste et se construit sur son histoire.
Chacune des îles, chaque forme sculptée, représente un des bâtiments du projet. Les sculptures et le nouveau bâti intera- gissent entre eux pour former un archipel. Et celui-ci se fait l’écho d’un autre archipel représentant le deuxième groupe de bâtiments. Les deux ensembles dominent les merlons, et tous ces mouvements de terre qui réorganisent l’espace, la mémoire du site.

La mémoire pour fondation
Car il est question de mémoire pour ce projet d’intégration urbaine. Les formes représentent ces îles qui représentent ces bâtiments nouveaux d’habitation. Il est question d’une lecture longue du temps.
La matérialisation de la surface de l’eau pour chaque archi- pel nous parle d’aujourd’hui. C’est le niveau zéro, la hauteur d’eau du jour, pour les mers et les océans... La ligne de crue ou la ligne d’étiage pour les fleuves perturbés. Cette ligne d’eau nous renvoie au temps présent.
Ce qui émerge, c’est ce qui nous pousse vers l’avenir, vers un futur possible. Qui ne se fera pas sans un retour au respect des cycles de l’eau et de la nature.
C’est le souci des acteurs locaux d’inscrire ce nouvel en- semble architectural, pour chaque bâtiment, pour chaque logement, dans cette transition écologique toujours à venir. La partie immergée est tout aussi primordiale. Ne pas laisser s’évanouir le passé. Bâtir dans une continuité, s’appuyer sur la mémoire.
Même submergées, les citadelles englouties nous en ap- prennent : sur nous, sur notre façon de vivre, sur nos espoirs. Les industries en friches du 19 ème et du 20 ème siècle font partie de ces citadelles englouties qui ont marquées la terre, le paysage, les femmes, les hommes, les enfants de Stras- bourg et du quartier. On parle évidemment des Fonderies de Strasbourg, de ces forges qui nourrissaient 5 000 familles d’ouvriers. Une connaissance, un savoir-faire qui ont permis la création et la production, peut-être à outrance, peut-être sans trop de soucis du futur, de mobiliers, de machines-ou- tils... Et de tous ces éléments de charpente métallique indus- trielle dont se sont emparés constructeurs et architectes. Ils marquent également cette mémoire dans notre paysage et environnement urbain.

Nouveau lieu de vie et d’avenir
Cette mémoire fragile des fonderies s’exprime aussi par l’ancrage de ces îles imaginaires. Un ancrage sur de longues pattes d’échassier en tube d’acier. Elles sont le fil de cette mémoire, et portent les huit formes de ces deux groupes d’îles. Chacune témoigne, reflète, veut dialoguer avec cha- cun des huit bâtiments du Parc des Forges et de ses tech- niques de construction respectueuses.
Parties immergées, parties submergées, parties émergées... L’eau comme juge, bourreau, témoin du temps qui passe. Mais aussi l’eau porteuse de vie, de son cycle, de cet oxy- gène qui est comme un ultime auxiliaire conjuguant l’avenir. Aux pieds des archipels du Parc des Forges, les espaces verts aménagés font partie de la réponse à cette projection d’ave- nir. Des arbres à haute-tige, des prairies fleuries, des étangs de pelouses...

-Ejvind Sandelin

 

© photos: Héloïse Peyre